Les Signes parmi nous by Charles Ferdinand Ramuz

Les Signes parmi nous by Charles Ferdinand Ramuz

Auteur:Charles Ferdinand Ramuz [Ramuz, Charles Ferdinand]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Roman, Littérature suisse romande et des régions voisines, 20e
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2019-03-21T00:00:00+00:00


VIII

Caille s’était remis en route vers les trois heures pour continuer sa tournée. Il avait pris, cette fois, directement du côté de la verrerie, où il devinait bien les difficultés qui l’attendaient, mais il était de nouveau plein de force. C’était même la difficulté qui l’attirait maintenant. Mlle Parisod lui avait dit : « Allez et bon courage ! » il allait comme il lui avait été dit. Il marchait d’un bon pas malgré l’absence de toute ombre, dans sa jaquette noire, sous son chapeau de feutre dur.

Ce qui surprenait, en haut du chemin, c’est qu’on ne voyait plus la haute cheminée rouge de l’usine. D’ordinaire, rien ne comptait qu’elle, étant devant vous la chose importante à suivre des yeux dans sa montée jusqu’en plein ciel, toutes les autres choses comme à plat ventre autour d’elle : changement tout à coup, pourquoi ?

Ce qu’on voit, à présent, c’est seulement cette fumée. Et, du haut poteau rouge, rien n’existe plus que la base, que ce commencement de tronc, avec tout autour, retombante, l’énorme masse du branchage, comme le branchage d’un saule pleureur.

Changement, changement, c’est à présent la fumée, l’important ; une fumée qui ne peut plus monter, ni se répandre, cette énorme fumée qui pend, les toits de l’usine déjà pris dessous, le haut de la façade caché jusqu’aux fenêtres ; et, essayant de se mettre debout, les voix là-bas se heurtaient à la voûte, se cognaient la tête à ce plafond ; empêchées aussi de monter, empêchées d’aller librement, obligées pour venir à vous à une espèce de rampement.

Des cris comme dans une cave, mais raison de plus ; Caille allait.

Il marchait très vite, on va entre des haies ; derrière ces haies étaient des plantages ; un ou deux hommes et des femmes travaillaient dans ces plantages ; Caille regardait tout en montant ; tout à coup, dans tout ce noir, un four se mit à éclairer en blanc, et puis il n’y eut plus de four.

On entendait à présent un piano électrique, parce qu’à côté de la gare il y a un café-restaurant ; on voyait l’arbre, là-bas, tout le temps, continuer d’élargir son branchage, à cause de la fumée sortant à gros bouillons et tout autour de l’ouverture à gros bouillons se déversant ; on enfonce deux sous dans une fente faite exprès, la musique saute dehors, les deux lampes à abat-jour rose s’allument, même en plein jour (on a payé) ; Caille allait, un premier morceau fut fini, mets vite dix centimes.

Un grand désordre s’était fait tout à coup ; il vit venir quatre hommes, la fumée grossissait toujours. Un autre homme, ayant ouvert la fenêtre, tendit son verre plein ; l’homme au verre cria : « Hé ! là-bas, santé ! » les quatre hommes se retournèrent ; quelqu’un tenait un discours dans le café, on applaudit.

À ce moment, une table tomba, une valse commença à dégringoler les octaves, comme un seau d’eau qu’on vide du haut d’un escalier.

Et Caille, qui allait toujours, eut encore



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